Récit modifié le 10/04/2014

Inde




Ma route : Keylong, Darcha, Zing Zing Bar, Col de Baralacha, Bharatpur, Sarchu, col de Nakila, col de Lachulung, Pang, plateau de Moray, col de Tanglang, Rumtse, Upshi, Thikse, Leh, Keylong, Manali, Mandi, Dharamsala, Amritsar, du 20-06 au 16-07-2005.


Le passage du Kunzum et la traversée du Spiti m'a affaibli, de reste à Keylong j'ai du mal à me sortir d'une grosse angine, m'amenant à l'incertitude pour faire la route de Leh. Pourtant c'est une destination qui figure en moi. En visitant un médecin, je me fais soigner par la méthode ayurvedic, à base de plantes mais qui n'a pas un effet assez fort sur la maladie.
Arrivé à Keylong le 12-06, je tente un départ le 19-06 mais qui va être impossible, le vélo prêt, je me sens sans force pour partir et dois retourner me coucher. Je ne sais pas si je suis capable de faire cette route, qui est sûrement pas facile. Je suis indécis à faire demi-tour. J'interroge mon ami Shubho à Delhi, qui s'est rendu à Leh l'an passé à vélo, pour savoir ce qu'il en pense. Au 20-06, nouveaux préparatifs pour un vrai départ. De cette route, j'ai des renseignements mais qui divergent quant à me nourrir et trouver à dormir. Je pars avec le beau temps, ma progression étant lente par mon état, et que je prends aussi de l'altitude. Je suis la vallée de la Bhaga, restant à ses côtés pour un long chemin. J'ai tenté de m'établir des étapes. La première est pour me rapprocher du col de Baralacha. Je finis à Zing Zing Bar, pas dans le meilleur état qui soit. Je trouve à passer la nuit avec l'armée qui va être aux petits soins pour moi. Le médecin présent m'annonçant que je suis fiévreux, me met aussitôt sous antibiotiques, m'apportant cette fois amélioration. On me donne un lit et m'endors immédiatement pour 2 heures. Au réveil, je me sens un peu mieux et réchauffé avec le poêle au milieu de la pièce qui crache son énergie. Je partage le dîner avec cette poignée d'hommes, qui pour passer le temps consomment l'alcool local. Le lendemain matin, le médecin me remet même de quoi me traiter durant 3 jours.

J'entame ma montée vers le Baralacha, mon second col. Le parcours n'est pas facile, le chemin caillouteux, humide par la neige fondant, emprunté par un tas de véhicules polluant, crachant noir et m'asphyxiant. Je passe 4 heures à faire grimper mon vélo dans un décor superbe, blanc de neige, trouvant un lac encore gelé. En redescendant, j'ai qu'une envie, trouver à faire une halte et me ravitailler. Je peux le faire à Bharatpur où des tentes sont plantées pour la saison touristique. Aussitôt je remarque un autre vélo, et ne tarde pas à rencontrer le propriétaire, Solange une femme Française partie pour un tour du monde de 27 mois. Mon étape du jour s'arrête donc là, restant en sa compagnie et échangeant nos routes. C'est la première nuit dehors, la température chutant rapidement pour aller jusqu'à zéro degré. Solange se rend aussi à Leh, nous prévoyons alors de faire route ensemble. Nous repartons le lendemain vers Sarchu. Derrière il y a 2 cols successifs, celui de Nakila et de Lachulung, proches des 5000 mètres d'altitude. Solange ne se sent pas en force de les passer à vélo et a prévu de les franchir par un autre transport. Je viens alors à opter pour la même solution. Nous trouvons à mettre nos vélos sur le haut d'un camion. Ces véhicules ne manquent pas, approvisionnant Leh en carburant. En chemin je me rends compte de la difficulté qu'il en aurait été pour moi. Solange vient à m'épargner bien des misères, je peux la remercier. Pour faire la descente à vélo que nous avions envisagé, il est trop tard et poursuivons jusqu'à Pang, y restant pour la nuit. La température est toujours aussi froide en dormant à 4300 mètres. Nous repartons de là au travers d'un canyon, avec des variantes de couleurs tournants toutes sur le sable ou l'ocre. Cela reste impressionnant à mes yeux. Il faut aussitôt gravir un dénivelé pour grimper sur le plateau de Moray. Du bas on peut apercevoir la longue enfilade de lacets qui nous attend. Là-haut nous arrivons sur une étendue énorme, vide de tout, aucune végétation, pas une trace d'eau. Seulement des montagnes pelées. Avancer est aussi dur que d'être en pleine montée, car un vent redoutable nous empêche de progresser à plus de 10 kms/h. Le lieu est fascinant, seuls que nous sommes à le traverser. La région est parcourue par des convois de l'armée auprès de qui nous parvenons à avoir notre eau. En progressant sur le plateau nous trouvons les nomades Kampas, faisant halte pour les rencontrer. On se retrouve sous leur tente à boire le thé au beurre, un breuvage pas facile à avaler, à l'aspect gras, au goût de mouton. On nous offre aussi le pain Ladhaki. Le soir venu, le lieu que nous recherchions n'apparaît nul part. Nous devons stopper notre étape au pied du col de Tanglang. Pour passer la nuit nous montons les tentes, essayant de trouver abri du vent dans une petite cuvette. La soirée est superbe, seuls que nous sommes perdus dans ces immenses espaces, contemplant le ciel étoilé, quelque chose de magique.
Pour parvenir au col nous avons aucun mal à trouver un camion, car tout près d'où nous campons, ils font halte avant de se lancer à le gravir. Il faut même agir rapidement et hisser les vélos sur le haut de la cabine. La montée est de 17 kms, devant faire souffler le camion et refroidir le moteur en chemin. Cette fois on nous pose là-haut pour profiter du lieu mais aussi pour faire la descente avec nos engins. D'où nous sommes, on peut vraiment contempler l'Himalaya par une chaîne qui apparaît devant nous avec les sommets tous de blanc vêtus. C'est une nouvelle fois incroyable et merveilleux de se retrouver là, dans un tel endroit. Ce sont nos vélos qui nous permettent cela, car toutes personnes faisant ce trajet en bus ou en jeep viennent à passer cet endroit de nuit et bien sûr sans faire arrêt. On est alors à se demander pourquoi ils vont à Leh. La descente est fabuleuse, s'annonçant la chance que l'on a. A son départ, il faut malgré tout patauger dans la boue et laver dans les trous d'eau les vélos. Nous arrivons sur une superbe vallée, semblable à un canyon. Depuis longtemps, nous n'avons pas vu un revêtement de la sorte, comme neuf. Nous passons des villages où sont présentes les cultures en terrasses. La richesse de la région apparaît de nouveau. Tout cela nous pousse à rester une nuit de plus dans ce cadre magique, seuls, entourés que de la nature. Les cieux étoilés continuent à retenir notre admiration. Nous sommes plus qu'à une journée de Leh, pour moi c'est incroyable après avoir touché le cap Comorin. Je vais avoir rallié l'Inde du nord au sud. Cette journée nous fait entrer au Ladakh, une région que je parcours depuis longtemps dans les revues ou reportages télévisés. Le chaud est brûlant, proche des 40 degrés et cherchant l'ombre pour mettre le pied à terre. La région est repassée désertique avec une longue route devant nous et bosselée. L'arrivée sur Leh me déçoit un peu par une grosse présence militaire, ça gâche vraiment le milieu dans lequel nous sommes par toutes leurs installations, et en les croisant sur la route. Heureusement, nous trouvons un coin paisible pour rester quelques jours, à l'écart des boutiques pour touristes, mais au milieu de petites fermes, des champs, dans une gentille famille, et les montagnes en panorama devant nous. On se dit alors qu'on pourrait bien rester là une semaine.

A Leh, nous avons pu récupérer de notre route, réviser le paquetage et les vélos, et passer des moments tranquilles, tel dès le matin en prenant le petit déjeuner au jardin, en se préparant le café et dégustant du pain frais. De Leh, sur une journée, nous prenons la route de Kargil pour découvrir la rencontre de 2 rivières, l'Indus et la Zanskar. Nous quittons cet endroit en bus, c'est une chose que je n'aime pas, se faisant casser le dos, et mon matériel se trouvant martyrisé. Je me dis qu'en Inde, il n'y a pas plus confortable que mon vélo pour me déplacer. Mais je n'ai pas le choix cette fois pour faire un retour rapide. En 15 heures nous revenons sur Keylong, pour seulement 360 kms. De Là, nous reprenons nos vélos pour Khoksar. Au soir venu, avec la pluie, la mousson fait son apparition, mettant 65 heures avant de faire accalmie. Pour rejoindre Manali et passer le Rohtang, une fois de plus il faut faire recours au bus, mais on en est vraiment contraint, partir aujourd'hui à vélo est trop dangereux, surtout pour descendre un col. La pluie nous poursuit 2 jours durant sur Manali, apprenant les dégâts que l'eau peut créer. Sur place, la rivière se transforme rapidement en torrent, devenant impressionnant, prenant une force terrible. On se dit qu'il ne va pas falloir rester là, si on veut poursuivre notre route sans soucis. A notre dernier soir, ayant eu un message de Anna, on se lance à sa recherche, dans des rues où l'eau coule de partout. Sur le point de laisser tomber, à ma dernière entrée que je fais dans un restaurant, je viens à l'apercevoir. M'approchant d'elle, je lui crie, "Anna". Elle se lève, se retourne, et me dit, "Hervé". Nous sommes heureux l'un et l'autre de se retrouver après 6 mois. La soirée se passe à retracer nos routes.
Le lendemain, la pluie est toujours là, mais avec Solange je reprends le chemin. C'est le fait d'être à vélo qui nous permet de quitter la région car la route est totalement emportée à un endroit. En 2 jours nous rejoignons Mandi, pour reprendre ensuite chacun son périple. Solange s'en va vers Delhi puis la Thaïlande, alors que de mon côté, m'attend Amritsar. Sur cette direction, il y a Dharamsala et bien sûr le siège du Dalai Lama. Je compte donc marquer arrêt à cet endroit. La chaleur, la moiteur et la pluie continue à me suivre, continuant malgré tout à avancer. A Dharamsala, je peux venir à écouter le Dalai Lama qui assure un enseignement auprès de moines et de pèlerins. Je tente de faire sa rencontre, mais ça m'est refusé. Pourtant, j'aurais été heureux seulement de lui serrer la main. Deux jours de plus, je rattrape Amritsar, pour me trouver cette fois au bout de mon périple indien, après 8 mois de route. Devant moi, c'est comme un nouveau départ qui m'attend avec l'entrée au Pakistan, et de là atteindre la Chine.