Récit modifié le 10/04/2014
Inde
Ma route : Vadodara, Surat, Dhule, Aurangabad, Nashik, Mumbai, Ratnagiri, Panaji, Hubli, Hospet, Chitradurga, du 1-02 au 11-03-2005.
De Vadodara je poursuis ma route vers le sud, mais aussi pour aller vers le chaud, en quittant la ville je découvre qu'il fait 23 degrés à 10 heures. Malgré cela je continue de rouler aisé, avec de longues distances couvrant des 100 kilomètres. A ma halte de midi, je ne suis pas un inconnu, on m'a découvert dans le journal il y a 2 jours. Cela me vaut de me faire conduire en cuisine pour choisir mon repas, d'être copieusement servi, et que les gens viennent passer un moment avec moi. Le soir venu, c'est la rencontre d'un ancien champion cycliste Indien des années 56 que je suis amené à faire, forcément pour parler de vélo et de mon périple, et de me faire offrir l'hospitalité. A chaque chose que j'ai besoin, on est là pour moi, me faisant conduire à une superbe table pour dîner, où l'on aurait voulu me faire manger plus que je le pouvais, mais il y a une limite à tout, et tout cela pour 45 centimes d'euro.
Je descends par un axe important puisqu'il mène à Mumbai, et donc avec un trafic infernal. Je serais content de le quitter en m'en allant vers l'est et Aurangabad. En chemin je découvre à nouveau des briqueteries et la culture de la canne à sucre, donnant un superbe jus vendu un peu partout, je rencontre des gens en convois de charrettes à boeufs, comme s'ils étaient obligés d'aller ailleurs. La température continue de monter, et les litres d'eau avalés plus nombreux, en consommant 5 à 6 par jour, tiède qu'elle est devenue dans mes bidons. L'étape finie, la douche, même si de rigueur elle est froide, est un régal. Du côté culinaire, je continue à tester tout un tas de choses, y prenant un vrai plaisir, étonnant les gens lorsqu'ils m'entendent les appeler dans le langage local, créant toujours curiosité et rassemblement autour de moi à ces moments venus, pour me questionner, observer le vélo et être ahuri par le kilométrage que je leur annonce.
En passant au Maharashtra, la région n'apparaît pas riche, étant surpris de trouver autant de gens vivant sous des tentes de fortune, sous des cabanes, mêlés aux cochons traînants dans les détritus. Je retrouve à nouveau des difficultés de parcours avec les monts Sahyadri qui se trouveront gravis après une ascension de 25 kilomètres, ne pouvant prendre autre chose que le petit braquet, roulant entre 10 et 12 kms/h, sous un chaud me faisant couler de sueur, mais supporté par les routiers, le moteur de leur camion rugissant et leurs changements de vitesses se succédant. Après toute cette énergie dépensée, j'arrive à repartir pour rouler à 30 kms/h. Arrivé à Sakri, il faut débattre pour loger car il n'y a qu'un établissement gouvernemental où je ne suis pas admis. On me propose de poursuivre ma route alors que je suis à 114 kms pour la journée. A la police on me dit que la réservation devrait se faire à Dhule à 50 kms. Je retourne sur place avec un fonctionnaire de police, un autre en uniforme intervient. Je leur fait part de ma route, de la fatigue, à force de discussion on me présente une dépendance. Je leur énumère mon parcours, leur déploie la carte de l'Inde, et là je suis définitivement admis avec félicitation. On craignait que j'avais de l'alcool avec moi. On m'annonce même que je suis sous leur protection, tenant à m'accompagner pour dîner, et ressortir le ventre rond. Le lendemain matin, avant même de repartir, une crevaison m'oblige à réparer sur place et dans des conditions comme jamais vu, sous les regards et l'amoncellement d'un tas de gens, devant avoir l'oeil sur tout mon matériel éparpillé, pouvant à peine débattre de mes mouvements, devant les faire reculer et finissant par leur dire qu'il s'agit que d'un vélo.
Avant Aurangabad, le passage des gahts (collines) m'emmène dans une longue enfilade de lacets, mais tenant bon, sans mettre le pied à terre car la forme est là. J'arrive sur un plateau où a lieu la récolte du coton. En fin de parcours je dirais que j'ai roulé fort. Quatre hommes en voiture sont venus à m'arrêter simplement pour me rencontrer, restant un moment à parler avec eux.
Aurangabad ne me retient pas longtemps, je suis venu jusque là pour découvrir le site D'Ellora constitué d'un ensemble de 34 grottes creusées dans la roche, achevées entre les années 600 et 1000. Une est surtout spectaculaire, c'est le temple Kailasa, réalisé après 150 ans de travail. L'ensemble est ni plus ni moins qu'exceptionnel, colossal, gigantesque, titanesque.
La route vers Nashik m'amène à de nouvelles rencontres à Yeola. Je m'y arrête après une étape de 110 kms et arrive à un ashram. Sudhakar, un homme aux cheveux et à la barbe blanche est là pour m'accueillir. Il me reçoit chez lui pour boire le thé, me montrer leur travail de tissage, m'emmener faire le tour de la ville. Lui demandant pour téléphoner, il me conduit chez son neveu. A peine raccroché, on me prie de m'asseoir, y passant un moment à discuter et à déguster des produits locaux. Ensuite entre le neveu et l'oncle, ils débattent pour savoir qui m'aura à dîner, ce sera chez le neveu. Je fais retour auprès de mon vélo, la porte ouverte les gens se pressent à l'intérieur pour voir l'engin. Sudhakar ne cesse de reprendre et de répéter les informations qu'il a à mon sujet. J'ai bien du mal à me retrouver seul pour prendre la douche, une coupure de courant survenant, c'est à la bougie que je me lave. Les gens restent devant la porte et je peux les entendre continuer leur élucubration. Avec le neveu je peux visiter un temple où des gens sont en prière. Il intervient auprès du maître qui interrompt la cérémonie pour m'annoncer et me présenter. On vient même à me remettre des présents. Le dîner chez Shashikant le neveu est royal, ayant droit à du poulet et du poisson. Sa femme ne cesse de nous resservir. Au moment d'aller dormir, on est encore là à attendre que la porte s'ouvre pour voir le vélo. Une fois installé pour la nuit, je peux entendre les gens discuter à l'extérieur, ça devient un vrai débat que l'on mène à mon sujet. Au lendemain matin, on ne manque pas d'être là pour me voir partir.
Je continue ma route vers Mumbai, un arrêt à Nashik me fait découvrir une ville sainte au bord de la Godavari. Cette rivière est sacrée et de nombreux pèlerins sont là en purification, ou en méditation, mais aussi pour la toilette du corps et la lessive. A aucun moment ça ne cesse, je cherche alors un endroit, me poste à regarder, à observer bien que je ne comprends pas tout ce qui se passe. Je fais ensuite retour au frais pour déguster un thali et finir par un lassi (yaourt à boire) que je garde en bouche à tel point il était onctueux, crémeux, frais.
L'arrivée à Mumbai se fait par de vrais boulevards, des 2x2 ou 2x3 voies, me retrouvant noyé au milieu d'un trafic incroyable et de millions d'Indiens. Malgré tout la ville me plaît, avec certains quartiers calmes, des rues ombragées, de superbes bâtiments, le plus spectaculaire étant la gare centrale, sa baie donnant sur la mer d'Oman, ses marchés, découvrant de petits restaurants où en y allant régulièrement, chaque jour je suis attendu presque comme un ami. En me présentant au journal national "The Times of India", 2 jours plus tard je me retrouve à l'intérieur.
De là ma destination est Goa dont j'entends parler depuis de longue date pour ses plages. C'est une route de 520 kms qui m'en sépare. Je souhaite suivre la côte du Konkan, mais vais passer le clair de mon temps dans des monts qui ne me laisseront pas facilement avancer et devant passer à l'intérieur des terres. La canicule devient présente et je me trouve rapidement inondé de sueur. Parfois dès le matin, il faut fournir des efforts et sentir les gouttes perler sous le maillot. Un arrêt à Guhagar me fait découvrir les premières longues plages de sable bordées de cocotiers, désertées de tout visiteur. Je peux alors en profiter pour des marches ou tout simplement aller écouter le flot des vagues et contempler le coucher de soleil. Mais Guhagar me voit subitement atteint d'une baisse de forme, devant consulter un médecin.
Le reste du parcours jusqu'à Goa va être laborieux, pénible d'autant que le relief ne m'aidera pas en étant continuellement accidenté. Tout petit état qu'il est, j'y entre par le nord pour aller sur Arambol, à l'écart des zones vraiment touristiques. Goa possède une renommée, mais le cachet qu'on lui donne ne m'apparaît pas ressortir. Je file rapidement sur Panaji. Je me rapproche alors de Old Goa pour aller visiter ses immenses églises. Je peux aussi retrouver de petits restaurants locaux et en devenir un habitué en y allant chaque jour.
De Panaji, je laisse tomber le sud Goa, bifurque vers l'est et le site d'Hampi que j'ai en mémoire depuis longtemps. Cela me fait passer au Karnataka et prendre la route la pire que j'ai eu jusqu'à présent, roulant sur les cailloux, dans la poussière créé par les échappements des camions, restant du bitume que des lambeaux, devant prendre garde au vélo et avançant à petite allure. La journée sera difficile jusqu'au bout puisque derrière il faudra se lancer dans une ascension. J'ai à présent retrouvé la vivacité et mon train de route, prenant à nouveau plaisir sur le vélo. Hampi me fait découvrir un site au milieu de la nature, au bord de la rivière, religieux, et avec une multitude de temples qui font venir les visiteurs jusqu'ici. En les observant on découvre un travail remarquable, ne pouvant imaginer le temps que cela a pu nécessiter.
A présent 12 mars 2005, je termine ma première année de route, ma foi longue, mais qui reste marquante par tout ce que j'ai pu vivre, découvrir, partager, endurer. Cela peut paraître incroyable d'être arrivé où je suis avec un simple vélo. Malgré le bonheur qui peut en ressortir, il a fallu courage et persévérance. Je remercie tous les gens qui m'ont aidé et supporté, qui ont pu dialoguer avec moi tout au long de cette année.
Ma route continue, mais pour être où dans un an.