Inde
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Ma route : Pushkar, Merta, Nagaur, Deshnoke, Bikaner, Phalodi, Pokaran, Jaisalmer, du 10 au 21-12-2004.
Après 10 jours passés à Pushkar je reprends la route. La rencontre de Anna, cycliste Allemande, voyageuse, aventurière, qui maintenant sillonne l'Inde depuis plus d'un an, que vous pouvez découvrir par son site web www.bikeworldtour.com, fait que l'on repart ensemble. Mais ce départ ne peut se faire sans passer chez Narsingh, notre peintre qui d'ailleurs nous attend. Comme à chaque fois que l'on arrive chez lui, il faut s'asseoir et commencer par boire le thé. Mais ce matin quelque chose de particulier nous attend, en nous faisant rentrer chez lui. Narsingh a dressé un petit autel avec un plateau et différentes choses dessus, et vraisemblablement une cérémonie sur nos personnes se prépare. Face à lui nous le laissons faire. Il vient d'abord à nous marquer le front d'une empreinte rouge, la tikka, colle des grains de riz dessus puis nous verse le reste sur le haut de la tête, il nous remet un morceau de quelque chose à manger, comme une sucrerie, nous demandant notre main droite, il nous demande de conserver dans la paume du riz le temps qu'il nous lie un lien au poignet, puis le lui remettant, il nous le verse à nouveau sur la tête, il nous passe ensuite un collier de fleurs fraîches autour du cou, et venant à nous serrer dans ses bras, il nous adresse protection et bon voyage. Pour nous il est difficile de comprendre tout cela, ça n'a sans doute rien de banal, chaque chose ayant sa propre signification que seul lui connaît véritablement. Mais malgré cela, ça me touche énormément et donc pris cela avec un réel sérieux. Cela restera un moment fort, d'émotion, pouvant se demander pourquoi autant d'attention pour nous. On a été perçu comme des amis, il y a une grande fraternité entre lui et nous. Tous ces présents apposés sur nous, une photo marque le souvenir de tout cela. C'est un personnage que je n'oublierai pas et suis heureux de porter son nom sur mon vélo.
Reprendre la route est agréable et différent par le fait de rouler à 2. Les colliers de fleurs au cou, sans doute sommes nous vu d'une manière particulière, et recevons de nombreux bonjours. La route que nous empruntons n'est nullement touristique et nous créons une réelle curiosité auprès des gens, plus particulièrement les vélos et le nombre de vitesses les équipant, amenant de longues discussions et commentaires. A chaque arrêt, nous ne pouvons demeurer seuls, aussitôt on vient vers nous, restant là à nous regarder le temps de la halte, pouvant se demander si quelqu'un travaille ou va à l'école. Si nous nous trouvons en bordure de route, ce sont les véhicules de tous genres qui viennent à stopper pour entendre toujours les mêmes questions, quel est ton nom, ton pays, et où vas-tu.
Notre passage à Merta nous fait connaître le logement le moins cher que l'on pourra nous proposer, en logeant dans un Dharamsala, refuge pour pèlerin, à savoir 0,55 euro la nuit en se contentant d'un lit métallique, d'une paillasse et d'un endroit où se laver avec un baquet d'eau froide. Parfois, le point d'eau se trouvant à distance, il faut se transporter à tour de rôle les seaux pour arriver à avoir une douche complète. On se dit que les touristes à s'arrêter ici doivent être rares, mais malgré cela les gens semblent heureux de nous voir, se demandant peut être ce que l'on fait à Merta. En comparaison de Pushkar qui était touristique et où il était fréquent d'entendre parler français, ici rien que pour l'anglais, ça devient plus difficile. Mais l'un et l'autre, on s'adapte aisément et prend plaisir au voyage. Les restaurants locaux nous amènent parfois de vraies surprises en voyant un garçon attraper ce qui sert à laver le sol pour essuyer notre table puis nous servir le petit déjeuner ou encore des rats débouler tout près de nous alors qu'on est en train d'avaler nos kachori et le thé du matin.
Notre venue à Deshnoke était tout spécialement liée à la visite du temple de Karni Mata ou temple des rats. Ce bâtiment de marbre aux sculptures superbes en façade est leur lieu de villégiature, où protection et attention leur est apportée. Il s'agit d'un lieu saint, et ces créatures des divinités. On vient spécialement ici pour elles, on veille précieusement à leur survie, assurant leur nourriture sur place ou leur apportant. Anna est fascinée par ces animaux voulant même se faire photographier avec eux. Pour ma part, au bout d'un moment ça m'a suffit. En me déplaçant, je dois prendre garde où je marche. Le fait de devoir être pieds nus, donne envie et fait qu'on se lave les pieds en repartant.
Notre chevauchée à vélo nous emmène à travers le désert du Thar, le paysage devient aride, le sable et les pierres omniprésents, avec de petites dunes ou des étendues plates à perte de vue. La végétation est rare, épineux, broussailles, herbes sèches. Des villages de quelques huttes rondes aux toits coniques sont disséminées de-ci de-là, vivant de quoi, on se demande, avec quelques chèvres et moutons. Parfois un homme à pied ou à vélo surgit ne sachant d'où il peut sortir. Seuls les camions empruntent cet axe, les haltes sont peu nombreuses, uniquement les petits restaurants pour routiers, trouvant une nourriture simple, parfois servi à volonté, mais à chaque fois un accueil et un moment agréable, me laissant aller à la sieste. Au fur et à mesure de notre progression, la route continue à nous fasciner et à nous charmer. Les enfants ne cessent d'accourir à nous, nous réclamant stylos, allant à être agressifs à certains moments en prenant des pierres, cherchant à nous stopper ou à attraper quelque chose sur le vélo.
Un arrêt de 2 jours à Bikaner nous a suffi par le fait que cette ville est extrêmement bruyante, polluée, encombrée de partout, avec une circulation catastrophique. Il n'y a respect de rien, ni pour personne, on se coupe la route, débouche de partout, se double, arrête et repart sans même regarder, klaxonne perpétuellement. Seuls les vaches et les dromadaires avec leur attelage semblent imperturbables, de même que les chiens couchés partout, en trouvant parfois sur la chaussée. Parvenir à se loger ne restera pas évident, car en séjournant quelque part, on cherche quelque chose de plus convenable que sur la route en essayant d'avoir la douche chaude. Par contre ça nous permet de bénéficier d'une autre cuisine, et la découverte d'un restaurant nous fait l'adopter, pour laisser de côté les chapatis et le dal et se rassasier de soupes, macaronis et glaces. Le fait que Anna soit en possession d'un article de journal indien sur son histoire, nous vaut de faire des visites gratuites dont le fort Junagargh où on peut vaguer à notre guise dans les appartements privés et musées. Mais ce qui va nous charmer à Bikaner, c'est la vieille ville avec des bâtiments d'une architecture incroyable, fait de façades de bois sculpté à merveille, un travail incroyable.
Nous poursuivons notre traversée du désert par la route principale pour être sûr de trouver ravitaillement, bien que nous repartons de Bikaner avec des provisions. La découverte reste incroyable, plus nous progressons et plus le désert semble présent, totalement plat, l'apercevant extrêmement loin. La terre brun ocre est brûlée par le soleil, sablonneuse, rocailleuse, où rien ne peut apparemment pousser, toute trace d'eau est absente, pas une goutte n'étant tombée de l'année. Les dromadaires deviennent familiers, les dépassant parfois sur la route en caravane. Il faut parfois démarrer la journée par pédaler car nos départs vers 9 heures sont trop tôt pour trouver une gargote nous servant un petit déjeuner, à cette heure elles sont encore au lavage des ustensiles de la veille. Cela nous a amené sur la route de Pokaran à faire une rencontre vraiment curieuse. S'arrêtant au premier endroit trouvé, peu de temps après nous, un homme est arrivé s'accroupissant à l'écart du restaurant et demandant un thé. Vraisemblablement, il ne pouvait s'offrir que cela. En le voyant je me trouvais extrêmement favorisé par rapport à lui qui n'avait pour seul bien que du plastique, assurant à la fois ses vêtements, ses chaussures et son baluchon. Sans même se poser de questions, nous sommes venus à lui offrir un repas. J'étais alors heureux de pouvoir déjeuner et de voir cet homme partager ce moment avec nous. Le seul regret que nous avions, c'était de ne pouvoir discuter avec lui et de découvrir un peu sa vie. Cela n'empêchait qu'il était touché, et en remerciement il vint nous apposer ses mains sur notre tête. Cette portion de route est particulièrement marquée par une présence militaire qui crée une atmosphère à laquelle on n'est pas habitué, et qu'on aimerait pas voir. Elle apparaît par le croisement de nombreux convois et camps dû à la proximité du Pakistan.
L'absence de bourgades et d'infrastructures hôtelières nous obligent à interroger les gens pour loger, et nous fait nous retrouver dans une famille au coeur d'un village où seule une route de sable y mène. Nous sommes reçus remarquablement, nous faisant découvrir la famille, les voisins, leur manière de vivre, une superbe nourriture trouvant différence avec les gargotes. Repartir n'est jamais facile car les gens prennent un réel plaisir à nous recevoir, même si pour eux la vie doit être dure. Pourtant il faut reprendre la route. Une halte en chemin m'amène à me rendre compte de la disparition de certaines choses et décidons de faire retour mais auparavant nous devons trouver un endroit pour la nuit. Ce jour là, nous devons faire face à une tempête de sable, nous laissant péniblement avancer à 10 kms/h. Des bourrasques rendent la visibilité médiocre, balayant le sol, emportant des buissons morts, la végétation existante changeant de couleur en se chargeant de la poussière du sable. Cela nous oblige à une étape courte pour trouver hospitalité dans un Ashram, lieu de retraite ou communauté spirituelle. Aussitôt nous repartons en bus vers le village que l'on gagnera après 3 à 4 kilomètres de marche sur des chemins de sable où se retrouver n'est pas évident. Nous créons forcément la surprise par notre retour et un froid en annonçant notre problème. Une longue discussion s'engage, des soupçons, des interrogations et une très longue attente. C'est après 3 heures de patience, et une incertitude constante que l'on a pu récupérer la totalité de nos biens. Mais le plus surprenant, c'est qu'il a fallu jusqu'à proposer de l'argent à l'enfant, qui finalement a fini par restituer le tout sans que ce marchandage ait lieu. La confiance mutuelle était revenue, et l'on voulait alors nous garder à dîner. De retour au Ashram, nous avons passé un moment agréable, se faisant une fois de plus nourrir. Notre arrêt pour la nuit suivante fut également particulier chez un jeune homme qui nous offrit la nuit gratuite par le simple fait que sur nos vélos nous portions le drapeau indien.
L'arrivée sur Jaisalmer se fait en découvrant quelques kilomètres auparavant son fort dominant la ville. C'est le point que nous voulions atteindre, et y rester pour les fêtes. Au-delà, il nous est impossible d'aller par la proximité du Pakistan. Nous trouvons à nous installer dans un hôtel modeste, mais le fait de se retrouver avec des Indiens créant un brouhaha insupportable nous oblige à changer au bout de 2 jours, et pour aller à l'intérieur du fort. Nos débuts à Jaisalmer sont marqués par des retrouvailles avec des gens déjà croisés auparavant. Il y a d'abord Harry, un Australien qui loge avec nous et connu à Pushkar. Les jours suivants, c'est Jasper, un cycliste Belge que je retrouve, en compagnie d'un autre adepte du vélo, Gerald de Suisse. Pour ainsi dire, chaque jour de nouvelles personnes apparaissent dans notre environnement, il y a Sonia une fille de Suisse, un couple d'Allemand à motos, d'autres cyclistes d' Allemagne et d'Australie. Au matin, à la German bakery on peut se saluer et passer un moment ensemble pour avaler croissants et pâtisseries. En compagnie de Anna, Harry et Gerald, c'est fréquent que l'on s'en va dîner ensemble au Chandan Shree restaurant pour déguster un thali servi à profusion pour un demi euro. La soirée de Noël et du Nouvel An se fait également avec ces gens en changeant juste de cuisine au dernier jour de l'année. A cette période, l'affluence touristique se fait sentir avec aussi bien des étrangers que des Indiens. La grande attraction est le fort, mais avec Anna, nous parvenons à nous évader dans la vieille ville pour retrouver le calme, côtoyer les gens qui sortent de chez eux en nous voyant, découvrir de toutes petites rues avec de superbes maisons. L'année 2004 se termine donc, avec un long chemin, d'incroyables rencontres, de superbes découvertes et un changement de vie perpétuel. A tous salutations et meilleurs voeux.